dimanche 24 août 2008

21ème dimanche du temps ordinaire

21ème dimanche du TO / A
24 août 2008
Matthieu 16, 13-20 (p. 408)
Nous connaissons bien cette magnifique page d’Evangile qui nous rapporte en saint Matthieu la profession de foi de l’apôtre Pierre. Nous pourrions méditer tel ou tel aspect de cet événement fondateur dans le ministère public de Notre Seigneur et dans ce que l’on peut appeler l’Eglise en germe. Je me limiterai à un seul verset de cet Evangile si riche de significations. Et c’est Jésus qui parle, répondant à la profession de foi de son apôtre : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »
Dans cette déclaration solennelle du Christ nous trouvons deux caractéristiques de notre foi chrétienne : notre foi est source de joie, notre foi est un cadeau.
Mettre sa foi et sa confiance dans le Christ Seigneur rend heureux. Ce n’est pas seulement à Pierre que Jésus révèle cette vérité fondamentale. Souvenons-nous des paroles du ressuscité à l’apôtre Thomas : « Tu m’as vu et tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui croient. » Oui, heureux sommes-nous, car nous avons cette immense grâce de pouvoir dire que nous croyons en Dieu Trinité : Père, Fils et Esprit-Saint ! Et notre foi est assez puissante pour transformer notre vie et notre cœur. Notre foi nous ouvre un merveilleux chemin d’espérance avec le Christ et à sa suite. Notre foi fait de notre vie autre chose qu’une simple répétition mécanique d’actes simplement humains : travailler, manger, boire, procréer, se divertir, consommer etc. Dans la foi, nous savons que notre quotidien prend un sens tout à fait nouveau, que nos actes les plus banals peuvent revêtir une dimension d’éternité ! Par la foi nous sommes mis en contact réel avec Dieu, source de toute vie et de tout bien : comment ne ressentirions-nous pas un bonheur profond en vivant ce contact, particulièrement dans la prière, les sacrements et la charité en actes ? Oui, heureux sommes-nous de mettre notre confiance dans le Seigneur, car nous sommes ainsi dans la vérité de notre condition de créatures. Et la vérité nous libère à la fois de l’orgueil et de la désespérance. Oui, heureux sommes-nous de croire à la Parole du Christ, car nous savons que, malgré les apparences, c’est l’amour qui aura le dernier mot, c’est l’amour qui déjà est vainqueur de tout ce qui rabaisse l’homme au rang d’animal.
Notre foi est aussi un cadeau, le plus grand de tous avec le simple fait d’exister ! C’est ce que le catéchisme nomme une grâce de Dieu, car nous ne méritons pas d’avoir la foi, pas plus que Pierre… « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. » Ce n’est pas par son intelligence humaine ou par son intuition personnelle que Pierre a pu reconnaître en Jésus le Messie, le Fils du Dieu vivant. Sa foi ne vient pas de lui, même si elle passe par sa liberté humaine. Sa foi comme la notre est révélation de Dieu, irruption de la présence aimante du Père dans sa vie. Jean, dans le sublime prologue de son Evangile, utilise les mêmes termes que Matthieu pour parler de ceux qui sont enfants de Dieu : « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Oui, quand ils ont cru en son Nom ils sont nés, mais non pas du sang ni d’un appel de la chair ni de la volonté d’un homme : ils sont nés de Dieu. » Le baptême comme la foi sont donc des dons de Dieu. Et cela devrait nous faire réfléchir à une expression ambigüe que nous employons couramment : transmettre la foi. Or il est évident que la foi, don de Dieu, ne saurait se transmettre d’homme à homme, comme un père transmettrait son code génétique à son enfant… Notre expérience confirme cette vérité. Combien de parents chrétiens sont désolés de voir leurs enfants abandonner toute pratique religieuse, voire la foi elle-même, alors qu’ils pensaient avoir transmis la foi à leur progéniture ? Combien de prêtres et de catéchistes sont déçus en constatant que si peu d’enfants et de jeunes persévèrent dans la vie chrétienne alors qu’ils ont « tout fait » comme on dit ? Première communion, profession de foi et confirmation… Combien aussi de jeunes et d’adultes demandent le baptême alors qu’ils ont eu des parents athées ou indifférents ? C’est que la foi est d’ordre surnaturel. C’est que la foi est bien plus qu’un simple enseignement parmi d’autres. C’est que surtout la foi demande une pleine adhésion de notre liberté. Alors ne vivons-pas dans l’illusion de transmettre la foi ! Comme on transmettrait un héritage familial… Soyons simplement ce que nous pouvons être : des témoins en paroles et en actes de notre attachement au Christ. Le reste, le plus important, dépend de l’action de l’Esprit Saint dans les cœurs et de la Providence divine.
Je conclurai en citant un document des Evêques de France, publié en 1996, document intitulé : « Proposer la foi dans la société actuelle » :
« Au temps où l’Eglise faisait pratiquement corps avec la société globale, malgré bien des contradictions et des affrontements, la transmission de la foi s’opérait d’une façon quasi automatique… Il était devenu difficile de vérifier l’adage selon lequel on ne naît pas chrétien, mais on le devient. Avec le recul du temps, nous devons reconnaître les inconvénients de cette situation ancienne : quand l’annonce de la foi se trouve plus ou moins réduite à la mise en œuvre de procédures quasi automatiques de transmission, des infléchissements imperceptibles peuvent se produire… La situation présente comprend des difficultés nouvelles… Paradoxalement, cette situation nous oblige à prendre la mesure de la nouveauté de la foi et de l’expérience chrétienne. Nous ne pouvons plus seulement nous contenter d’un héritage, si riche qu’il soit. Nous avons à accueillir le don de Dieu dans des conditions nouvelles et à retrouver en même temps le geste initial de l’évangélisation : celui de la proposition simple et résolue de l’Evangile du Christ. En même temps, du côté des auditeurs de la Parole, se vérifie un aspect corrélatif de la foi : ils sont amenés à accueillir cette Parole par un acte personnel d’adhésion. » (Pages 36 et 37).

dimanche 3 août 2008

18ème dimanche du temps ordinaire

18ème dimanche du TO / A
3 août 2008
Matthieu 14, 13-21 (p. 257)
Eau, vin, lait, viandes savoureuses, pains, poissons, soif et faim… Les lectures bibliques de ce dimanche ont de quoi nous mettre l’eau à la bouche ! C’est en quelque sorte le menu que le Bon Dieu nous présente !
La réalité essentielle de la nourriture et de la boisson est en effet souvent utilisée par les auteurs sacrés pour nous parler de notre relation avec Dieu. Une fois n’est pas coutume, je ne commenterai pas l’Evangile de la multiplication des pains, même si j’y ferai allusion. Je voudrais méditer avec vous et pour vous la magnifique première lecture, extraite du livre d’Isaïe.
Nous sommes à la fin de ce que les biblistes appellent le livre de la Consolation, ou le deuxième Isaïe. Le peuple Juif est alors en exil. Donc dans une situation pénible et difficile. Le refrain que Dieu adresse à son peuple par la bouche de son prophète se résume en une invitation pressante : « Venez ! » Invitation qui culmine avec « Venez à moi ! » Au sein même de la détresse de son Peuple le Seigneur veut susciter une espérance folle du point de vue strictement humain : « Je ferai avec vous une alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance envers David. » Les railleurs auraient pu se moquer d’une telle promesse, car la grandeur du Royaume d’Israël semblait bien définitivement appartenir au passé… Nous chrétiens, nous savons bien que c’est Jésus, le Fils de David, qui a réalisé, des siècles après, cette promesse d’une alliance indestructible. Mais il fallait alors beaucoup de confiance pour accepter un tel message !
A qui s’adresse cet appel pressant à entrer dans l’alliance ? A venir vers le Seigneur ? A tous ceux qui ont soif ! Les Juifs exilés entre le Tigre et l’Euphrate ne devaient pas manquer d’eau, ils n’étaient pas dans un désert. C’est bien sûr de leur soif de Dieu dont il s’agit ici. Eux, ils étaient nostalgiques de la Cité Sainte, du Temple et de ses cérémonies… Et voilà que tout cela a été ravagé, profané par Nabuchodonosor. De cette épreuve doit surgir une nouvelle soif de Dieu, plus profonde, plus intérieure. La soif de Dieu est en effet le ressort de toute vie spirituelle. Si notre désir de Dieu est faible ou endormi, alors notre vie spirituelle sera médiocre ou bien se limitera à aller à la messe le dimanche… A ceux qui ont soif, le Seigneur offre quelque chose. En même temps il les interpelle.
Commençons par l’interpellation de Dieu qui est là justement pour faire jaillir en nous le désir de son Règne et de sa présence : « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? » Nous avons beau connaître la vérité, nous sommes facilement entraînés sur la pente des réalités éphémères et uniquement matérielles. Notre Dieu nous remet en question comme autrefois son Peuple en exil. Il nous demande de faire le point sur nos priorités et nos choix. Finalement quel est le véritable moteur de notre vie, ce qui nous fait travailler, ce qui nous motive ? A Babylone les idoles ne manquaient pas. Nous aussi nous pouvons travailler et vivre pour des idoles actuelles et pourtant bien anciennes : l’argent, l’ambition, le pouvoir, le paraître etc. Mais le Seigneur nous met en garde : nous ne serons jamais rassasiés, jamais satisfaits sur ce chemin-là, car il nous en faudra toujours plus. Combien de couples se séparent et se déchirent, parce que, par exemple l’un des conjoints fait passer sa carrière professionnelle avant toutes choses ? Il est vrai que les structures de l’entreprise peuvent pousser bien des personnes dans cette impasse avec la pression toujours plus grande et la menace du chômage… L’air du temps ne nous aide vraiment pas à chercher les nourritures essentielles, celles qui demeurent. Et nous avons sans cesse un effort à faire pour maintenir notre tête hors de l’eau, souvent polluée par les exigences sociales et économiques… Et pour recevoir la parole du Seigneur : « Travaillez non pas pour la nourriture qui disparaît, mais pour la nourriture qui demeure et qui devient vie éternelle. C’est le Fils de l’Homme qui vous la donnera ; c’est lui que Dieu le Père a marqué de son sceau. »
Ce que nous offre le Seigneur est inimaginable : « Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent et sans rien payer. » Ce passage de notre première lecture est en fait une magnifique image de ce que la théologie nomme la grâce divine ! Le vin et le lait représentent ici les réalités qui rassasient l’âme, celles qui demeurent pour la vie éternelle, celles par lesquelles nous vivons de l’Alliance. Eh bien, le Seigneur a décidé de nous offrir tout cela gratuitement. La formule d’Isaïe est d’ailleurs paradoxale : achète-t-on quelque chose sans argent, sans payer ? Il ne s’agit pas tellement d’acheter que de recevoir. Dans le récit de la multiplication des pains, les disciples ne sont pas sur la même longueur d’onde que leur Maître. Pour eux la solution est évidente : il faut renvoyer ces foules : « qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger. » Eux parlent d’acheter, Jésus leur répond en leur demandant de donner : « Donnez-leur vous-même à manger. » Sommes-nous prêts à nous recevoir de Dieu et à recevoir de Lui tout son Amour ? Vivre dans l’Alliance, c’est devenir les disciples d’un Dieu qui est Don d’Amour en lui-même, Trinité bienheureuse, et qui se donne sans compter à ses créatures pour qu’elles puissent partager son Bonheur. Vivre dans l’Alliance, c’est être convaincu que « rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur ».
Amen