lundi 29 septembre 2008

26ème dimanche du temps ordinaire

26ème dimanche du TO / A
28/09/08
Matthieu 21, 28-32 (p. 643)
La petite parabole des deux fils est simple à comprendre. L’homme, maître du domaine, c’est Dieu notre Père. La vigne peut représenter aussi bien toute la création que l’Eglise. Les deux fils sont l’image des membres de l’Eglise. Le travail dans la vigne c’est l’apostolat : le témoignage que les chrétiens doivent rendre au Christ Jésus dans le monde. La morale de cette parabole est très claire : nous ne serons pas jugés sur nos paroles ou sur nos intentions mais bien sur nos actes. Cet enseignement ne fait que reprendre ce que Jésus avait déjà dit quelques chapitres plus haut dans le même Evangile selon saint Matthieu : « Il ne suffira pas de me dire : ‘Seigneur ! Seigneur !’ pour entrer dans le Royaume des Cieux : entrera celui qui fait la volonté de mon Père des cieux . » La question de Jésus à la fin de la parabole montre bien que nous sommes dans la même thématique, celle d’accomplir la volonté du Père : « Lequel des deux a fait la volonté du Père ? » De manière évidente dans le contexte de notre parabole les deux fils représentent deux groupes de croyants : d’un côté l’élite religieuse du judaïsme (chefs des prêtres et anciens), de l’autre des personnes très mal vues (les publicains et les prostituées). Mais rien ne nous empêche de comprendre que ces deux fils peuvent coexister en chacun de nous tout au long de notre existence : des fois nous ressemblons au premier, d’autres fois nous agissons comme le second.
La difficulté de notre Evangile vient d’ailleurs. Car si la parabole insiste sur l’action, la suite parle de foi… C’est bien un reproche que Jésus adresse aux chefs des prêtres et aux anciens : « Vous n’avez pas cru à sa parole… ». Tandis que les publicains et les prostituées y ont cru… Notre Seigneur nous donne donc cette parabole pour dénoncer le manque de foi des élites religieuses d’Israël vis-à-vis de Jean Baptiste. Ils ne leur reproche pas de ne pas avoir agi, mais bien de ne pas avoir cru. A travers cette difficulté apparente nous pourrions retrouver le grand débat théologique à propos de la foi et des œuvres. Paul insistant davantage sur la foi, Jacques sur les œuvres, c’est-à-dire sur l’agir chrétien et la vie morale. Dans ce contexte le message de notre Evangile pourrait être le suivant : faire la volonté du Père c’est à la fois croire et agir. Ces deux réalités de notre vie chrétienne ne devraient pas être opposées ni même séparées. Une belle formule de Paul les unit dans sa lettre aux Galates : « Seule vaut la foi qui agit grâce à l’amour. »
Enfin la fine pointe de notre parabole est probablement ailleurs que dans ce débat théologique sur la foi et les œuvres. Jésus ne reproche pas seulement aux élites religieuses leur manque de foi. Ce qu’il dénonce c’est surtout leur immobilisme, leur incapacité de se remettre en question au contact de la prédication de Jean le Baptiste : « Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole. » Les publicains et les prostituées ont été capables de changement, de conversion. Comme le premier fils de notre parabole qui, après avoir dit « non », va tout de même travailler dans la vigne de son Père. Pourquoi ? Parce qu’il s’est repenti. Il a réfléchi sur son « non » et l’a regretté.
Alors notre parabole nous rappelle la primauté de nos actes sur nos paroles. Mais surtout que, comme les deux fils, nous pouvons changer pour le meilleur ou pour le pire. Nous avons le choix entre l’endurcissement de notre cœur ou bien, au contraire, l’ouverture de notre cœur à la présence et à l’action de Dieu dans nos vies.
Amen

lundi 22 septembre 2008

25ème dimanche du temps ordinaire

25ème dimanche du temps ordinaire / A
21/09/08
Matthieu 20, 1-16 (p.598)
L’évangéliste Matthieu a comme encadré la parabole des ouvriers employés à la vigne par un refrain. Nous avons le refrain final dans le texte liturgique : « Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Mais il nous manque celui qui précède la parabole : « Beaucoup qui sont parmi les premiers seront derniers, et d’autres qui sont derniers seront premiers » (19, 30). Cette insistance n’est pas le fait du hasard et elle nous aide vraiment à entrer dans le sens profond de la parabole. Cette parabole fait partie de celles qui choquent notre bon sens humain, d’où la première lecture dans laquelle il nous est rappelé que les pensées de Dieu sont différentes des nôtres…
Spontanément nous nous retrouvons dans le groupe des « premiers » et nous faisons nôtres leurs récriminations contre le maître de la vigne : « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! » Nous avons notre sens de la justice et de l’injustice. Et nous avons raison, en tant que chrétiens, de nous révolter face à l’injustice. Dans notre parabole non seulement un même salaire est attribué à ceux qui n’ont presque rien fait et à ceux qui ont travaillé toute la journée, mais en plus le paiement du salaire commence par les derniers venus ! La réponse du maître, c’est-à-dire de Dieu, ne se situe pas sur ce registre de la simple justice humaine mais le dépasse. Tout d’abord Dieu remet les pendules à l’heure : « N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? » Dieu est souverainement libre. Et tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons, vient de Lui d’une manière directe ou indirecte. Nous sommes ses créatures. Nous lui devons notre vie et notre existence. C’est là le don fondamental qui nous est fait gratuitement. Qu’avons-nous fait pour naître ? Quel travail avons-nous fourni pour mériter de venir au monde ? Nous arrivons dans ce monde les mains vides et sans mérites. Cette logique de la création nous la retrouvons dans l’ordre du salut, celui du Royaume des cieux. Ce Royaume n’est pas celui du mérite mais bien celui de la grâce. Nous n’avons pas à tirer de cette vérité de foi de fausses conclusions encourageant la paresse et le laisser-aller. Car si nous lisons attentivement la parabole, nous constatons que le maître adresse un reproche aux hommes qu’il rencontre à cinq heures : « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? » Il n’est pas question pour le maître d’encourager l’oisiveté.
« Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? » Au-dessus de la simple justice humaine Dieu place sa bonté de Père. Cette bonté qui est toujours générosité, abondance de biens dans la création comme dans le salut en Jésus. La jalousie des premiers ouvriers refuse cette bonté de Dieu au nom d’une conception humaine de la justice. C’est une histoire bien connue dans les familles : mon frère a eu ça, je ne l’ai pas eu… donc c’est la preuve que papa et maman m’aiment moins que lui ! Dieu aime autant les premiers ouvriers que les derniers. Simplement l’erreur des premiers ouvriers est de situer la récompense uniquement au niveau d’un bien, du salaire. Alors que la vraie récompense pour les premiers comme pour les derniers c’est d’avoir été embauché dans la vigne. La vraie récompense pour le chrétien, ce ne sont pas d’abord les biens donnés par Dieu, mais Dieu lui-même. La vraie récompense c’est la joie d’appartenir au Royaume des cieux et d’y apporter notre grande ou petite contribution. Si Dieu donne gratuitement, nous sommes appelés, nous aussi, à travailler gratuitement dans sa vigne et pour son Royaume… « Sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que nous faisons votre sainte volonté », comme le chantent les scouts.
Nous aurions tout intérêt à méditer cette parabole en lien avec la parabole du fils prodigue chez saint Luc. Souvenez-vous de la récrimination du fils aîné qui ressemble étrangement à celle des premiers ouvriers : « Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à un seul de tes ordres, et à moi tu ne m’as jamais donné un chevreau pour faire la fête avec mes amis. Mais lorsque revient ton fils que voilà, celui qui a mangé toute ta fortune avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! » La réponse du père est magnifique : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi. » En nous donnant la parabole des ouvriers employés à la vigne, Notre Seigneur n’a pas l’intention de définir les règles de l’entreprise ou du marché du travail ! Il veut nous parler du type de relation que nous devons entretenir avec Dieu notre Père. Il s’agit bien d’une parabole du Royaume des cieux qui emprunte au monde du travail une image. Notre religion est tout sauf une religion du troc avec Dieu. Nous ne devrions pas aimer Dieu par intérêt, pour avoir un bien. Nous l’aimons par reconnaissance parce qu’il nous donne la vie et nous embauche dans sa vigne sans aucun mérite préalable de notre part. Nous l’aimons parce qu’en lui tout est aimable, parce qu’il est un Père plein de bonté pour tous ses enfants, les derniers comme les premiers ! Amen.

mercredi 17 septembre 2008

LA CROIX GLORIEUSE

LA CROIX GLORIEUSE
14 septembre 2008
Jean 3, 13-17 (p. 1217)
En 326 Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, fit un pèlerinage à Jérusalem pour y retrouver les reliques de la croix du Christ. Suite à ce pèlerinage et à la découverte des reliques, Constantin fait édifier sur le Golgotha une basilique consacrée sous le nom de l’Anastasie, qui signifie en grec résurrection. Voilà l’origine historique de la fête liturgique que nous célébrons en ce dimanche : la Croix glorieuse.
L’expression « Croix glorieuse » est paradoxale, j’y reviendrai. Pour mieux nous approcher de ce mystère, nous devons dans un premier temps le contempler dans le mystère même du Christ et de son incarnation. Et c’est la liturgie qui nous indique cette voie en proposant à notre méditation le magnifique passage de l’apôtre Paul aux Philippiens. Le Verbe éternel de Dieu, la Parole du Père, à un moment donné de notre histoire, s’incarne. C’est le mystère vertigineux de Noël : Dieu en son Fils unique se fait l’un de nous. Et Paul traduit cette incarnation par des images : dépouillement, abaissement. Dans l’imaginaire biblique Dieu est situé au Ciel, en haut. Il est logique alors de comprendre l’incarnation comme une descente, un abaissement. Mais l’apôtre est un grand théologien. Il nous montre que cet abaissement n’est pas d’ordre physique, dans l’espace, mais qu’il touche à l’être même du Fils de Dieu. Jésus, tout en étant le Fils de Dieu, renonce en quelque sorte à son rang divin pour adopter la condition de serviteur. En épousant notre condition humaine, Jésus l’épouse jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’expérience de la mort, et de la mort sur une croix. C’est ainsi que Jésus a accompli la volonté de son Père : sauver l’humanité abimée par le péché et par le mal, réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux. Et à ce mouvement descendant Paul fait correspondre un mouvement ascendant : en passant par le supplice de la Croix et par la mort, le Fils bien aimé est exalté, élevé au plus haut des cieux. C’est ce que nous fêtons à Pâques et à l’Ascension. Et c’est le début de notre Evangile : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. » Mais pourquoi tout cela ? Pourquoi la Croix glorieuse ? « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. »
Je voudrais revenir un instant sur le paradoxe de l’expression « Croix glorieuse ». Paul, encore lui, l’a bien mis en lumière en annonçant aux Corinthiens « un Messie crucifié », scandale pour les Juifs et folie pour les païens. La manière par laquelle Dieu a voulu se révéler pleinement à nous et nous ouvrir les portes de la vie éternelle n’est pas rationnelle, donc totalement imprévisible. Dans le mystère de son amour, Dieu notre Père dépasse les limites de notre raison et surtout remet en cause l’image de Dieu et des divinités forgée dans l’esprit des hommes pendant des siècles. Oui, « les folies de Dieu ont plus de sagesse que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les humains. » Croix glorieuse… Paradoxe d’un Dieu tout puissant qui consent à l’extrême faiblesse et qui prend la place du juste condamné ! Un père jésuite affirme à propos du mystère de la Croix glorieuse : « C’est comme si nous disions ‘joyeux échafaud’ ou ‘heureuse guillotine’. La croix, c’est hideux, sale, répugnant. Et pourtant celle du Christ est glorieuse par l’amour qui l’a conduit à vouloir partager notre plus grande détresse, à prendre place parmi ceux que nous punissons, persécutons, éliminons de la communauté des hommes. Beaucoup d’entre nous réclament la vengeance, or toutes nos vengeances s’exercent finalement contre Dieu ; elles sont crucifixion de l’amour. Mais l’amour, Dieu, resurgit là où on l’attendait le moins et le fait que Jésus accepte la croix que nous lui dressons est l’acte d’amour indépassable, plus fort que la mort qu’il accueille. »
Contempler la Croix glorieuse c’est à la fois reconnaître notre misère, tout le mal dont nous sommes capables, et confesser la toute puissance de l’amour divin, sa bonté et sa miséricorde à notre égard. Deux millénaires après cet événement central de notre histoire, nous pourrions être sceptiques et nous demander : à quoi bon ? Notre humanité connaît toujours des atrocités et des injustices à grande échelle comme des coups tordus dans les relations familiales et interpersonnelles. Une chose est certaine : la victoire sur le mal nous est acquise par le Christ, le remède nous est offert. Le problème n’est pas du côté de Dieu, mais du notre : librement nous avons à choisir avec courage le chemin de la vie avec un grand « V », la vie qui peut triompher de la mort, la vie éternelle. Pour cela nous devons nous convertir, changer notre manière de penser et d’agir. Oui, confessons avec saint Paul que le Christ est notre paix. Par notre vie montrons au monde le mystère de la Croix glorieuse agissant aujourd’hui ! Oui, « par la croix le Christ a tué la haine ! » (Ephésiens 2, 16).

23ème dimanche du temps ordinaire

23ème dimanche du TO/A
7/09/08
Matthieu 18, 15-20 (p. 501)
La rentrée scolaire est faite… après la coupure estivale nous reprenons chacun chacune nos activités ordinaires… Notre paroisse qui vit au rythme de l’année scolaire propose à nouveau aux enfants et aux jeunes les activités du catéchisme et de l’aumônerie…
Et voilà que l’Evangile de cette messe nous parle de « correction fraternelle » pour reprendre l’expression traditionnelle. Avant d’entrer dans le vif du sujet, un sujet difficile, regardons la différence qui existe entre Matthieu et Luc sur ce point. St. Matthieu développe ce thème et en fait un pilier de la vie communautaire, de la vie en Eglise. St. Luc, lui, est beaucoup plus bref et donne à la correction fraternelle un aspect personnel : « Si ton frère pèche contre toi, reprends-le, et s’il regrette, pardonne-lui. S’il pèche contre toi sept fois le jour et que sept fois il revienne vers toi en disant : ‘je regrette’, tu lui pardonneras. » Luc, évangéliste de la miséricorde, situe la correction fraternelle dans le contexte du pardon mutuel. Matthieu ne mentionne pas le pardon. Enfin Luc ne parle pas du péché en général (« Si ton frère a commis un péché… ») mais bien du péché dont je suis la victime (« Si ton frère pèche contre toi… »).
« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute… ». Baptisés, nous sommes chacun pour notre part les membres du Corps du Christ, les membres de l’Eglise. Jésus demande à ses disciples de vivre la dimension communautaire, donc fraternelle, de leur foi. Ce qui ne revient pas, bien sûr, à oublier la dimension personnelle de toute vie chrétienne. Dans la communauté chrétienne nous sommes responsables les uns des autres, nous sommes solidaires. Ce qui fait dire à l’apôtre Paul : « Tous les membres doivent pareillement se préoccuper les uns des autres. Si l’un des membres souffre, tous souffrent avec lui. Si l’un des membres est mis à l’honneur, tous se réjouissent avec lui. » Dans le contexte contemporain de notre société, cette idée de correction fraternelle est d’emblée mal reçue, perçue comme une violation de la sphère privée et individuelle. Nous sommes attachés, et avec raison, à l’exercice de la conscience personnelle. L’Evangile de ce dimanche nous rappelle cependant que nous ne pouvons pas être chrétiens de manière individualiste. C’est en effet par l’Eglise que je connais le Christ et que je reçois ses dons. Et c’est aussi dans l’Eglise que je suis appelé à vivre selon l’enseignement de l’Evangile.
Alors comment pouvons-nous pratiquer cette correction fraternelle les uns envers les autres ? La réponse à cette question très concrète n’est pas évidente. Je vous propose simplement quelques repères capables de nous aider à y voir plus clair. Le plus fondamental me semble être le suivant : qu’est-ce qui me motive profondément lorsque je vais voir mon frère pour lui dire qu’il s’engage sur un mauvais chemin ? Le bien de mon frère, son salut ou autre chose ? Si ma démarche n’est pas inspirée par l’amour de mon prochain, c’est le signe qu’elle n’est pas selon l’esprit de l’Evangile : « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel ». Si c’est vraiment l’amour qui m’anime, alors je dois en quelque sorte peser le pour et le contre. Dans ces circonstances concrètes (et surtout pas de manière générale), que vaut-il mieux faire pour le bien de mon frère ? Parler ou me taire. Un autre repère pourrait être le suivant : suis-je capable d’accepter la correction fraternelle de la part des autres ? Si ce n’est pas le cas, c’est que je manque d’humilité, et alors il vaudrait peut-être mieux m’abstenir… Enfin nous pouvons trouver un autre repère dans le même Evangile, quelques chapitres plus haut, avec l’histoire bien connue de la paille et de la poutre : « Quoi ! Tu vois la paille dans l’œil de ton frère et tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ? Et tu vas dire à ton frère : ‘Laisse-moi t’enlever de l’œil cette paille’, alors que la poutre reste là dans ton œil ! Mais tu joues la comédie ! Enlève d’abord de ton œil la poutre, et ensuite tu verras comment enlever la paille de l’œil de ton frère. » C’est bien sûr une question de cohérence. Je ne vais pas par exemple reprocher à mon frère son avarice à la quête si moi-même je me débarrasse chaque dimanche de mes pièces en centimes d’euro ! Bref la correction fraternelle doit toujours être un bien pour la personne concernée, une démarche qui va lui permettre de progresser et d’avancer selon la volonté de Dieu. En sachant que nous obtenons beaucoup plus par la douceur et la patience que par la dureté et la sévérité… Dans certains cas nous devons montrer la faute mais toujours dans une atmosphère d’amour : « L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour. » Amen.

22ème dimanche du temps ordinaire

22ème dimanche du TO / A
31 août 2008
Matthieu 16, 21-27 (p.455)
La liturgie nous fait méditer sur deux dimanches cette page d’Evangile si riche et si profonde de la profession de foi de Pierre. D’où l’introduction donnée par l’Eglise à l’Evangile de ce dimanche : Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » La première partie de cette page évangélique, entendue dimanche dernier, respirait l’espérance et la gloire. Avec l’annonce de la Passion nous sommes confrontés à la face rugueuse et difficile de cette même page.
Et Pierre qui vient de professer sa foi sous l’inspiration de l’Esprit Saint va se heurter à l’annonce de la Passion : « Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas ». La sévérité avec laquelle Jésus lui répond nous montre que Pierre ne se laisse pas encore guider entièrement par l’Esprit Saint. Il y a encore en lui des pensées trop humaines, des pensées qui l’empêchent de pénétrer plus avant dans le mystère du Messie tel que son Maître veut le lui révéler. Comment le Fils du Dieu vivant peut-il annoncer sa mort et une mort ignominieuse ? Cela semble contradictoire, c’est un scandale… Pierre s’est heurté violemment à cette annonce de la mort en croix. Il a oublié une autre annonce, celle de la résurrection le troisième jour… Peut-être était-il alors incapable de comprendre ce que pouvait bien être la résurrection ? Ne lui jetons surtout pas la pierre à ce pauvre Pierre ! Nous avons beau être chrétiens, nous n’acceptons pas facilement les épreuves et les souffrances de notre vie humaine… Nous avons beau être chrétiens, nous sommes lents à croire que la résurrection et la vie éternelle sont des réalités essentielles… Nous sommes comme Pierre et les premiers apôtres : très terre à terre.
Et voilà que Jésus va profiter de cette incompréhension de Pierre pour enseigner tous les disciples : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. » Et par deux questions le Seigneur nous montre l’enjeu de toute notre vie : « Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ? »
Avant de méditer ces formules qui nous semblent au premier abord rebutantes, contemplons une fois encore le Messie, le Fils du Dieu vivant. Il s’est présenté à nous comme le chemin, la vérité et la vie. Au matin de Pâques les deux hommes en habits éblouissants, des anges probablement, donnent aux saintes femmes la clef de lecture de tout ce qui vient de se passer : « Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. »
« Qui perd sa vie à cause de moi la gardera. » Dans cet enseignement du Seigneur, il est impossible de voir le mépris de notre vie humaine. Jésus est la Vie, et c’est par Lui que nous avons l’existence. Nous sommes créés par le Père dans le Fils. Alors que signifie donc perdre sa vie à cause de Jésus ? Un premier sens est clair : il s’agit des persécutions que les premiers chrétiens, et bien d’autres à leur suite, auront à endurer pour demeurer fidèles à leur foi. En apparence ils perdaient leur vie… Mais il la gardait en fait pour la vie éternelle. Jésus veut pour nous la Vie avec un grand V : la vie humaine transfigurée par l’amour de Dieu en vie divine, et c’est ce qui commence avec le baptême et l’acte de foi en Jésus Sauveur. La parole du psaume 62 nous éclaire : « Ton amour vaut mieux que la vie. » Le vrai chrétien est en effet prêt à renoncer à sa vie physique pour demeurer en communion avec son Dieu. Ce n’est pas du suicide. Simplement il comprend que ce qui donne valeur à sa vie humaine c’est justement l’amour du Seigneur. Et que par conséquent renier cet amour, c’est renier ce qui est au fondement même non seulement de la vie éternelle mais aussi de la vie que nous menons sur cette terre. « Perdre sa vie à cause de Jésus » peut aussi avoir un autre sens dans notre spiritualité chrétienne. Cela peut signifier donner à Dieu, à son amour, à notre foi la première place dans notre vie humaine. C’est une question de priorité, de hiérarchie. « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? » « Perdre sa vie à cause de Jésus », c’est comprendre que si nous cherchons d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, tout le reste nous sera donné par surcroit. Dans ce sens perdre sa vie, c’est vraiment la garder, la faire fructifier. L’apôtre Paul a parfaitement compris ce sens spirituel lorsqu’il écrit aux chrétiens de Rome : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. »
Amen