mardi 30 juin 2009

13ème dimanche du temps ordinaire

13ème dimanche du TO/B
28 juin 09
Clôture de l’année Saint Paul / 2 Co 8, 7-15 (p.11)
Demain, avec la solennité des apôtres Pierre et Paul, se clôturera l’année saint Paul voulue par le pape. C’est dans cette perspective que je voudrais méditer avec vous et pour vous la deuxième lecture de ce dimanche.
La liturgie de la Parole nous propose un passage du chapitre 8 de la deuxième lettre de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe. Ce passage fait partie d’un ensemble beaucoup plus vaste : les chapitres 8 et 9 de cette même lettre. C’est dire toute l’importance du thème abordé ici par Paul : la collecte en faveur de l’Eglise de Jérusalem. En effet si l’apôtre y consacre deux chapitres de sa lettre, c’est que cette collecte revêt à ses yeux une importance significative. Les chrétiens de Macédoine ont déjà participé à cette œuvre de charité. Et Paul les donne en exemple aux Corinthiens pour qu’ils fassent de même. Il s’agit donc d’une saine et sainte émulation entre les Eglises.
D’où l’appel de Paul à ses chers chrétiens de Corinthe : « Que votre geste de générosité soit large. » Ce qui est intéressant, c’est l’argument que l’apôtre va leur donner pour les motiver à donner largement dans le cadre de cette collecte : un argument de type théologique. Il ne fait pas appel à leur émotivité ou sensibilité, en leur disant par exemple : Voyez, vos frères de Jérusalem, sont dans une pauvreté extrême, sans vous ils ne pourront pas tenir bien longtemps etc. Il leur dit plutôt : Contemplez le Christ, Notre Seigneur. Il leur rappelle sa générosité à lui : « Lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. » Cela nous renvoie à la très belle hymne de la lettre aux Philippiens : « Lui, le Christ, qui jouissait de la façon d’être de Dieu, il ne s’est pas attaché à cette égalité avec Dieu, mais il s’est réduit à rien, jusqu’à prendre la condition de serviteur. Et devenu homme entre les humains, il s’est mis au plus bas, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort en croix. » Pour Paul le fondement inébranlable de notre charité entre nous, entre chrétiens, puisque c’est de cela qu’il s’agit ici, c’est la générosité du Christ qui s’est fait pauvre jusqu’au dénuement extrême, celui de la Croix : là où son divin corps n’avait même plus de vêtement… Si donc le fondement de la participation à la collecte, c’est le Christ lui-même dans le mystère de son incarnation, le fruit de cette participation sera, lui aussi, divin. Paul l’affirme clairement : « Ce service d’entraide fera plus que soulager la pauvreté des saints : il fera monter vers Dieu de nombreuses actions de grâces. » Nous comprenons alors que l’exercice de la charité chrétienne est une véritable liturgie, un culte que nous rendons à Dieu, en lien très étroit avec notre participation à la grande action de grâces de l’eucharistie. Ce qui nous redonne aussi le sens véritable de la quête qui n’est pas seulement notre participation à la vie de l’Eglise mais une offrande sacrée. La quête n’est pas le moyen pour nous de nous débarrasser des petites pièces qui encombrent notre porte-monnaie…
D’ailleurs au chapitre 9, Paul indique ce qui doit caractériser la générosité des Corinthiens. Leur participation à la collecte ne doit pas être symbolique et elle doit se faire dans la joie. « Une chose est sûre : celui qui sème pauvrement fera une pauvre récolte. Celui qui sème largement fera une grande récolte. » Ou pour le dire autrement le don pour être don doit être consistant. Faire le contraire serait se moquer de Dieu et de son Eglise. « Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. » Cette égalité qui va de pair avec la justice et la solidarité. « Que chacun donc décide personnellement, sans contrainte et sans regret, car Dieu aime celui qui donne joyeusement. » Si les chrétiens de Corinthe participent à cette collecte pour leurs frères de Jérusalem, ils doivent le faire à la mesure de la charité du Christ, et dans son esprit : librement et joyeusement.
Voilà donc une interrogation personnelle que l’Apôtre nous laisse en cette fin de l’année qui lui est consacrée : Quelle est la place effective du partage et de la solidarité dans ma vie chrétienne ? Et pas seulement pendant le Carême… Les dons des français à l’Aide à l’Eglise en détresse, ce n’est qu’un exemple, ont baissé entre 2007 et 2008 de trois millions d’euro… Je laisserai le mot de la fin au Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise :
« La solidarité est également une véritable vertu morale, et non pas « un sentiment de compassion vague ou d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ». La solidarité s'élève au rang de vertu sociale fondamentale parce qu'elle se situe dans la dimension de la justice, vertu orientée par excellence au bien commun et dans l'engagement à « se dépenser pour le bien du prochain en étant prêt, au sens évangélique du terme, à “se perdre” pour l'autre au lieu de l'exploiter, et à “le servir” au lieu de l'opprimer à son propre profit. »

lundi 22 juin 2009

12ème dimanche du temps ordinaire

12ème dimanche du TO/B
21 juin 09
Marc 4, 35-41 (p. 1112)
Le Seigneur Jésus a choisi comme lieu principal de sa prédication une province du nord d’Israël, la Galilée. Une région frontalière avec le monde des non-juifs, le monde païen. Il a fait plusieurs fois le voyage de Jérusalem pour les grandes fêtes religieuses et c’est là qu’il offrira sa vie en sacrifice. Mais la plupart du temps il s’est tenu éloigné de la capitale religieuse et politique de son peuple. La base missionnaire de Jésus a été Capharnaüm, au bord du lac, et non pas Jérusalem. Capharnaüm, la ville des pêcheurs Simon-Pierre et André. Et c’est au bord du lac de Tibériade appelé aussi mer de Galilée que le Seigneur rencontre Lévi installé au poste de douane et qu’il l’appelle à être son disciple, puis son apôtre, Matthieu. A l’occasion du repas de fête donné par Lévi dans sa maison, Jésus précise sa mission. Car les maîtres de la Loi du groupe des pharisiens sont scandalisés en voyant Jésus s’attabler avec ceux qu’ils considèrent avec mépris comme des pécheurs… « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu, moi, pour appeler des justes mais des pécheurs. » Par sa familiarité avec les pécheurs, Jésus se révèle comme le médecin des âmes et des corps. Il révèle surtout que son cœur n’est que miséricorde et amour. Enfin il vient détruire la prétention et l’orgueil de ceux qui se considèrent supérieurs aux autres, comme l’élite religieuse du pays, simplement parce qu’ils accomplissent les préceptes de la Loi. Oui, Jésus vient détruire l’orgueil religieux qui est l’une des formes les plus détestables de ce péché capital et l’une des tentations les plus dangereuses dans notre vie chrétienne et spirituelle…
Avec l’Evangile de la tempête apaisée, le Seigneur veut faire franchir un nouveau pas à ses Apôtres dans l’initiation progressive à leur mission : « Passons sur l’autre rive. » Les inviter à traverser la mer de Galilée ce n’est pas seulement les inviter à un déplacement géographique. Car en face, sur l’autre rive, c’est pour eux le domaine de l’étranger, des non-juifs, des païens. Cette traversée du lac doit correspondre à un changement de mentalité pour ces hommes qui l’aiment et qui le suivent. Il leur fait ainsi comprendre que sa mission de Sauveur ne se limite pas au peuple Juif dont il est issu par Marie. Il vient pour prêcher la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu aux pécheurs et aux païens. Et voilà que survient une violente tempête, image des obstacles qui se dressent sur la route de l’Eglise quand elle sort de ses murs pour aller porter la Bonne Nouvelle à ceux qui sont loin. Image aussi dans la Bible des forces démoniaques déchainées… Ce qui n’est pas étonnant puisque le premier geste de Jésus, sur l’autre rive, sera l’exorcisme du possédé de Gerasa…
Face à l’obstacle de la tempête, Marc nous dépeint deux attitudes opposées : Jésus, d’un côté, qui semble tranquille et calme, dormant à l’arrière de la barque, et les disciples remplis d’effroi. C’est alors que le Seigneur montre son pouvoir divin en commandant à la mer de s’apaiser. Le Seigneur est vainqueur des forces du mal. Et Jésus interroge ses disciples : Pourquoi avoir peur ? Pourquoi ce manque de foi ? Quand nous butons sur des obstacles, nous le savons, la peur est toujours mauvaise conseillère. La force du chrétien se trouve dans son calme et dans sa foi en la puissance victorieuse de Jésus. Cela rejoint bien l’avertissement de Dieu donné au peuple dans le livre d’Isaïe : « Dans la conversion et le calme serait votre salut, dans la sérénité et la confiance serait votre force » (30, 15).
Et voilà que les disciples vont passer de la peur face aux éléments déchainés à une grande crainte en présence du Seigneur qui vient de manifester à leurs yeux son autorité. L’épisode de la traversée du lac correspond pour eux à une véritable révélation divine, une théophanie. Notre peur vis-à-vis des épreuves rencontrées en ce monde nous paralyse. Mais craindre le Seigneur, c’est-à-dire confesser sa divinité et sa puissance, est au contraire pour nous la source d’une grande force et d’une grande liberté. C’est avec cette force et cette liberté que, tout au long de l’histoire, les saints et les saintes, les missionnaires, les mystiques, les réformateurs ont permis à notre Eglise de passer sur l’autre rive. Et lorsque le bienheureux pape Jean XXIII convoqua en 1959 le Concile Vatican II, il voulait lui aussi, sous l’inspiration de l’Esprit, la faire passer, sans peur de l’avenir ni nostalgie du passé, sur l’autre rive. C’est avec une citation du dernier Concile que je conclurai : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit-Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. »

mardi 9 juin 2009

LA SAINTE TRINITE

La Sainte Trinité / B
7 juin 09
Matthieu 28, 16-20 (p. 1162)
C’est au 14ème siècle que le pape Jean XXII, résidant en Avignon, étend à toute l’Eglise la fête de la Sainte Trinité. Mais une messe votive en l’honneur de la Trinité existait déjà depuis le 7ème siècle.
Avec la Pentecôte nous avons célébré l’accomplissement du mystère pascal et donc de notre salut. Le dimanche qui suit la Pentecôte nous invite à contempler Celui qui est à la source de la révélation et de l’histoire du salut tout au long des siècles : Dieu lui-même dans son mystère trinitaire. Nous passons ainsi de notre histoire humaine visitée et conduite par Dieu à Dieu dans sa vie bienheureuse et éternelle. Le mystère de la Trinité a fasciné les plus grands théologiens de notre Eglise : Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin en particulier. Ces théologiens ont toujours été humbles en affirmant que leurs écrits ne pouvaient approcher que de très loin ce qui constitue l’être même de Dieu. Et surtout c’est dans une atmosphère spirituelle qu’ils ont pu écrire aussi bien à propos de Dieu Trinité. En fait ce sont les grands saints, les grands mystiques qui nous aident le mieux dans notre connaissance de ce mystère. Nous pouvons penser à la carmélite Elisabeth de la Trinité. Nous connaissons Dieu, en effet, davantage par notre cœur que par nos raisonnements. Tout simplement parce que Dieu est Amour, comme le dit saint Jean. Célébrer en ce dimanche le mystère le plus important de notre foi chrétienne, celui de la Trinité, c’est revenir à cette révélation fondamentale : Dieu est Amour. Et c’est à la lumière de cette vérité que nous devons comprendre non seulement l’histoire du salut mais aussi l’être même de Dieu. Comme le dit si bien Maurice Zundel, que je citerai par ailleurs, « Dieu n’est pas une chose. Dieu est esprit, Dieu n’a pas de dehors. Dieu est l’amour dans sa pureté insondable. » Et cela avant même l’acte créateur qui a donné existence et vie à notre cosmos et à toutes les créatures qui l’habitent… Si Dieu est Amour en lui-même, divine charité, alors nous pressentons que Dieu est Trinité, car Dieu ne s’aime pas lui-même à la manière d’un être solitaire narcissique… Le Père aime le Fils en lui communiquant sa vie, et le Fils aime le Père en se donnant à lui, et cet échange d’amour entre le Père et le Fils est tellement fort et parfait qu’il est une personne divine, le Saint-Esprit. Zundel rend compte de ce mystère avec des mots évocateurs : « En Dieu, il n’y a pas un Moi unique, un Moi solitaire, un Moi rivé à lui-même, mais trois foyers, trois foyers de lumière, trois foyers d’amour et de communication, où toute la Vie divine constamment se renouvelle dans un Don inépuisable. » L’Amour qui est la vie même de la Trinité est tellement surabondant qu’il va permettre l’acte créateur. Dieu ne crée pas par nécessité mais bien par surabondance d’amour donc librement. Et c’est la Trinité qui est à l’origine de tout ce qui est non seulement sur notre terre mais dans l’univers tout entier. Comme le chante le psaume, « le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche. » Dieu Notre Père donne l’être et la vie par son Fils (sa parole) dans l’Esprit (son souffle). Mais voilà que la Sainte Trinité ne se contente pas de créer des êtres en dehors d’elle-même : elle crée l’homme et la femme à son image et selon sa ressemblance. Et Dieu donne à l’homme et à la femme une vocation divine. Tout le drame de l’histoire du salut ainsi que la révélation progressive de Dieu à travers les Alliances successives n’a qu’un but : que l’homme et la femme partagent la gloire même de Dieu, la communion avec Dieu. Le salut pour nous c’est donc de pouvoir dès maintenant participer à la vie de la Sainte Trinité par le baptême et par la foi. C’est aussi, après avoir été purifiés de nos péchés, vivre en Dieu et de Dieu éternellement. Le salut, la sainteté, c’est participer à cette circulation de vie et d’amour qui caractérise la Sainte Trinité. Et à partir du jour de l’Ascension nous savons que cette vocation surnaturelle est devenue réalité dans la sainte humanité du Fils de Dieu. Car désormais, en Jésus le Vivant, Dieu et l’homme sont unis pour toujours au sein de la bienheureuse Trinité.
Nous ne progresserons dans notre connaissance de la Sainte Trinité que dans la mesure où nous nous engagerons toujours davantage dans une vie de prière et de charité, car « Dieu ne peut être connu qu’en étant vécu. » Et Zundel explicite sa pensée ainsi : « Dieu n’est connaissable qu’à travers un événement et une transformation de la vie humaine, à travers une libération de l’homme. » Le mystère de la Trinité nous rappelle que Dieu est en lui-même relation, don, échange, communication, amour. C’est donc à travers ces expériences que nous pouvons nous rapprocher de lui et nous préparer sur cette terre à la communion parfaite. La libération que nous offre le Christ dans l’Esprit, c’est une libération de notre égoïsme, de notre égocentrisme, de notre superficialité, ainsi que de notre soif de pouvoir et de domination. « La grandeur, écrit Zundel, ce n’est pas la hauteur, c’est la générosité.» Prière, humilité, générosité, voilà la trinité qui, dans notre vie spirituelle, nous fait rencontrer en nous la Sainte Trinité ! Amen