lundi 21 septembre 2009

25ème dimanche du temps ordinaire

25ème dimanche du TO / B
20/09/09
Marc 9, 30-37 (p. 603)
Dimanche dernier saint Marc nous a rapporté la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie ». Cet événement a certainement été très important dans la vie commune de Jésus et de ses apôtres. Il a même constitué dans leurs relations un tournant. C’est en effet à partir de ce moment que le Seigneur commence à leur révéler le terme et le sommet de sa mission : le mystère de Pâques. Et voilà que dans notre Evangile Jésus répète cette annonce de sa mort et de sa résurrection. Ce qui est résumé ici en quelques mots a dû en fait correspondre à un enseignement plus développé donné aux disciples sur les routes de Galilée, et cela de manière strictement confidentielle. Ce n’est pas aux foules que le Seigneur annonce sa Passion et sa résurrection mais bien à ces quelques hommes qu’il a choisis et appelés pour marcher à sa suite, pour se former à son contact… Ces hommes qui, de simples disciples qu’ils étaient, devront devenir véritablement les apôtres de la foi chrétienne : les pierres de fondation de notre Eglise. Comme souvent les disciples ne comprennent pas les paroles de leur Maître. Et ils ont même peur de l’interroger ! Ne leur jetons pas trop vite la pierre… Il était quelque part normal qu’ils ne comprennent pas cette destinée pascale de Jésus. Même après Pâques, ils auront besoin du don de l’Esprit le jour de Pentecôte pour vraiment comprendre et accepter la croix et la résurrection du Seigneur. De même que nous pouvons philosopher pendant des heures sur la mort, nous préparer à notre mort, nous n’en aurons une vraie connaissance que lorsque nous passerons à notre tour par cette étape obligatoire. De même que nos mots sont inadaptés pour rendre compte de ce qu’est la résurrection et le bonheur du Paradis. Le plus surprenant n’est pas qu’ils ne comprennent pas mais bien qu’ils aient peur de demander des explications à leur Maître. Ils se souviennent probablement de la réaction sévère de Jésus lorsque Pierre a voulu le détourner de ce chemin qui passe par la croix : « Passe derrière-moi, Satan ! »
Le plus grave pour eux, ce n’est pas de ne pas tout comprendre mais bien de rester dans une logique qui est celle du monde, et c’est la suite de notre Evangile : « Ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. » En chemin, Jésus ne devait pas être toujours à leurs côtés, il devait se réserver des moments de solitude. Et ils en ont profité pour parler de leur promotion, de leur carrière… Dans un groupe comme celui des apôtres se poser ce genre de question (« qui est le plus grand ? ») est terriblement dangereux. Et la lettre de saint Jacques nous rappelle que le poison de la jalousie et des rivalités divise rapidement le groupe le plus soudé. Ils avaient peur d’interroger Jésus, maintenant ils ont honte de la conversation qu’ils viennent d’avoir, pensant qu’il n’en saurait rien. Comme Pierre après la première annonce de la Passion, leur pensée a été celle des hommes et non celle de Dieu : « Tu ne penses pas comme Dieu, mais de façon toute humaine », dit Jésus à Pierre. La grandeur évangélique est radicalement différente de la grandeur selon le monde. Alors « si quelqu’un veut être le premier » selon l’Esprit du Christ, il doit se faire le serviteur de tous. Un apôtre du Christ ne perd pas son temps à se comparer aux autres ou à chercher des titres et des honneurs, fussent-ils donnés par l’Eglise elle-même. L’apôtre cherche avant toutes choses la volonté de Dieu dans sa vie. Et cette volonté de Dieu c’est précisément qu’il se mette au service de tous ses frères les hommes pour susciter en eux la soif de Dieu. La seule grandeur pour l’apôtre, c’est de pouvoir évangéliser, c’est-à-dire porter la Bonne Nouvelle de Jésus au cœur de la vie des hommes et des femmes de son temps. L’apôtre n’a qu’un désir : inviter tous les hommes à faire l’expérience de la relation avec Dieu par Jésus dans l’Esprit. Voilà le service apostolique, celui des prêtres et des évêques. Et ce service rencontre inévitablement la croix. Car l’apôtre se heurte bien souvent à l’indifférence, au mépris, au rejet, voir à la persécution. Et la plupart de ces hommes qui parlent maintenant d’être le plus grand, d’être haut placé et estimé, finiront martyrs. Et Pierre, peut-être davantage que tous les autres, justement parce qu’il est le premier, le chef des apôtres, aura une fin édifiante de ce point de vue-là : crucifié à l’envers sur sa propre demande parce qu’il ne s’estimait pas digne de mourir comme le Christ. Quelle humilité du premier de tous les serviteurs de Dieu ! Depuis Saint Grégoire le grand l’un des plus beaux titres du pape est bien celui de serviteur des serviteurs de Dieu, dans la droite ligne de l’humilité enseignée par notre Evangile. Enfin le service apostolique est aussi accueil. Ouverture aux hommes, ouverture sans limites ni frontières, ouverture catholique. C’est dans cette ouverture faite de bienveillance, d’amitié, d’empathie, que l’apôtre peut annoncer l’Evangile comme une Bonne Nouvelle. Et ce n’est pas par hasard que Jésus met en avant l’accueil de l’enfant. Cette ouverture apostolique doit d’abord s’exercer au profit des plus petits, de ceux qui précisément ne sont pas grands selon les critères du monde.

lundi 7 septembre 2009

23ème dimanche du temps ordinaire

23ème dimanche du TO/B
6/09/09
Marc 7, 31-37 (p. 507)
De temps en temps la liturgie de la Parole nous fait entendre un récit de guérison, un miracle opéré par Jésus. C’est le cas en ce dimanche de rentrée scolaire. Si nous sommes honnêtes, nous pouvons nous poser la question suivante : en quoi sommes-nous concernés par cet Evangile de la guérison d’un sourd- muet ? Il n’y a probablement pas de sourd-muet dans notre assemblée… Et nous savons que les miracles, même s’ils existent toujours dans la vie de l’Eglise, ne sont pas des faits quotidiens dont nous pourrions être les témoins comme les contemporains de Jésus. Alors à quoi bon écouter ce récit évangélique s’il est uniquement le témoignage d’un fait passé sans aucune incidence dans notre vie chrétienne aujourd’hui ?
Bien sûr nous pouvons et nous devons faire une lecture spirituelle des récits de guérison que nous trouvons dans l’Evangile. Dès les Pères de l’Eglise, cette lecture a été faite et nous tenterons de la faire nous aussi en ce dimanche. Mais n’oublions jamais que l’interprétation spirituelle, pour être juste, doit s’appuyer sur le fait bien concret et bien réel qui nous est rapporté par saint Marc : Jésus guérit un sourd-muet.
Essayons donc d’imaginer un instant ce que cela signifie que d’être sourd-muet. Mettons-nous si possible dans la peau de cette homme qui ne peut ni entendre ni parler. Si nous étions sourd-muet… Je ne pourrais pas vous adresser la parole, vous ne pourriez pas m’entendre et me comprendre. Etre sourd-muet, c’est un drame que nous ne pouvons que difficilement mesurer. Etre sourd-muet, c’est être privé de l’une des caractéristiques essentielles de l’homme : la communication. Et ce même si un sourd-muet peut communiquer par écrit. En guérissant cet homme, Jésus le sort de son isolement et lui redonne la capacité d’être pleinement homme en vivant normalement en société. Le drame terrible que le sourd-muet vit jour après jour c’est celui d’un enfermement imposé sur soi-même, et de cet enfermement peut découler une certaine incapacité à raisonner, à réfléchir, à aimer et à prier. Ce handicap atteint beaucoup plus profondément notre humanité que le simple fait d’être paralysé physiquement par exemple. Un tétraplégique peut vivre davantage en humain qu’un sourd-muet.
Si nous comprenons tout cela, alors, oui, nous pouvons nous appliquer à nous-mêmes une lecture spirituelle de cette guérison. N’oublions pas que Jésus est la deuxième personne de la Sainte Trinité, la Parole de Dieu faite chair. C’est par Jésus, et avant lui dans une moindre mesure par les prophètes, que Dieu sort en quelque sorte de son silence pour nous adresser la Parole, sa Parole. Jésus est celui qui rend possible la communication, le dialogue entre nous et Dieu Notre Père. Nous avons la chance de pouvoir entendre et de pouvoir parler. Mais cet Evangile nous pose la question suivante : que faisons-nous de cette chance ? Comment utilisons-nous ce don de l’écoute et de la parole qui devrait nous permettre de grandir en humanité et en sainteté jour après jour ? Car dans la Bible, c’est Dieu et sa Parole que l’homme doit écouter en premier. Et la foi pour le Juif consiste précisément à se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu pour en vivre. Cet Evangile nous ramène donc en ce temps de rentrée à la question de notre relation avec Dieu. Si nous faisons les sourds, nous savons que Jésus peut nous guérir de cette surdité spirituelle, à condition que nous en ayons le désir. Dans le même mouvement cet Evangile nous demande de regarder comment nous communiquons et dialoguons les uns avec les autres. Dans cette époque hyper médiatique beaucoup déplorent l’isolement, l’enfermement sur soi, le manque de communication véritable, l’incapacité de dialoguer avec ceux qui sont différents de nous ou qui ne partagent pas nos convictions ou encore qui n’appartiennent pas à notre milieu. Et c’est ainsi que commencent les conflits et les guerres… Si aimer Dieu, c’est savoir l’écouter dans la lecture méditée de sa Parole et dans la prière, aimer notre prochain, c’est aussi prendre le temps de l’écouter. L’écoute de Dieu et celle du prochain ont un point commun : nous faisons l’effort d’écouter celui qui n’est pas nous, celui qui est différent. Nous sortons de notre enfermement sur notre personne, nos petits soucis et problèmes, nos désirs et nos volontés. Ecouter Dieu et le prochain demande du respect. Ce respect dans l’écoute de notre prochain va de pair avec la patience, le pardon et surtout l’empathie : cette capacité de l’amour à se mettre à la place de l’autre pour partager ses souffrances, ses joies, ses interrogations, sans le juger ni le condamner. Nous pouvons aussi parler. Notre parole peut donner la vie comme elle peut tuer. Ne banalisons pas notre parole avec des formules toutes faites, « Comment ça va ? », et qui ne nous engagent pas. Apprenons l’art de parler pour consoler, encourager, conseiller, remercier toujours dans l’Esprit du Seigneur Jésus : Esprit d’Amour entre le Père et le Fils.
Amen.